Trésors des collections patrimoniales – Examen pédagogique des recrues
Depuis le milieu du XIXe siècle, l’incorporation des recrues dans une arme appropriée se fait après un examen pédagogique. À la fin du XIXe siècle, la Confédération a tenté d’évaluer les politiques scolaires cantonales sur la base de cet examen. La Bibliothèque am Guisanplatz BiG vous propose de découvrir en ligne près de 10 000 questionnaires d’examens remplis par les recrues entre 1881 et 1914.
30.08.2021 | Bibliothèque Am Guisanplatz, Christine Rohr

À partir de 1832 environ, de nombreux cantons testent les connaissances scolaires des jeunes hommes lors du recrutement, toutes les armes n’exigeant pas les mêmes compétences. Or, les résultats révèlent de grandes lacunes en lecture, écriture et arithmétique.
La révision totale de la Constitution fédérale en 1874 étend les droits politiques des citoyens et citoyennes. Cette évolution exige un certain niveau d’éducation ; la disposition sur l’école prévoit donc que les cantons assurent un enseignement primaire suffisant. Les écoles primaires restent en mains cantonales et une inspection par des inspecteurs scolaires fédéraux est impensable. L’examen pédagogique des recrues permet alors de tester les connaissances d’une grande partie des jeunes hommes suisses, et de ce fait les politiques scolaires cantonales. Auparavant cantonaux, il est organisé au niveau fédéral à partir de 1875. La BiG a numérisé sa collection de 49 volumes couvrant les années 1881 à 1914. Les réponses manuscrites des futures recrues témoignent des questions pédagogiques et socio-historiques de l’époque.
Compétition cantonale et réformes scolaires
Les futures recrues sont testées en lecture et en arithmétique écrite ; elles doivent aussi rédiger une dissertation, puis une lettre, et prouver leurs connaissances sur la patrie (géographie, histoire, et plus tard aussi instruction civique). C’est au niveau fédéral que l’on détermine quelles connaissances doivent être testées dans le cadre de l’examen pédagogique des recrues.
Le Bureau de statistique du Département fédéral de l’intérieur publie les résultats annuels de l’examen. Notamment le classement par canton crée des remous dans la presse et au sein du public. Certes, ces évaluations statistiques présentent des lacunes et ne tiennent pas compte des différences cantonales, mais qui voudrait être considéré comme faisant partie des cancres de la scolarité suisse ?
Les enseignants et les acteurs de la politique de l’éducation se fondent alors sur les résultats de l’examen pédagogique des recrues pour avancer leurs préoccupations, telles que l’achat de nouveau matériel pédagogique, l’amélioration de la formation et des salaires des enseignants, la prolongation de la scolarité obligatoire ou la réduction de la taille des classes. Cet examen donne également l’occasion d’aborder des causes individuelles à l’origine des mauvaises notes, par exemple le long chemin vers l’école, une nutrition inadéquate ou le travail des enfants.
Les notes d’examen dans le livret de service
La comparaison directe des résultats incite les cantons à améliorer leurs systèmes scolaires. On peut dès lors se demander si l’examen de recrutement ne constitue pas un instrument de la Confédération pour centraliser le système scolaire. En effet, notamment dans l’optique de ce classement, les cantons créent des écoles de perfectionnement obligatoires (écoles de préparation au recrutement) pour rafraîchir les connaissances acquises à l’école primaire. Les contenus éducatifs sont rassemblés dans des collections et des guides, notamment par Eduard Kälin (1907 et 1910).
De même, le fait que les notes d’examen soient inscrites dans le livret de service motivent certainement de nombreux jeunes hommes à étudier. À cette époque, le livret de service était parfois utilisé comme document officiel pour les demandes d’emploi, et de mauvaises notes pouvaient faire mauvaise impression.
Une critique croissante
Les autorités responsables essayent à plusieurs reprises d’améliorer l’examen pédagogique des recrues et leur évaluation. Cependant, après le tournant du siècle, la critique grandit parmi les conseillers fédéraux, les milieux militaires et les pédagogues. Ils s’élèvent surtout contre le fait que les écoles de perfectionnement se concentrent sur la matière de cet examen, qui ne permet donc plus de tirer des conclusions sur les écoles primaires cantonales. Simon Gfeller, un enseignant de Berne, tient ces propos dans le Berner Schulblatt en 1907 :
« [...] Le devoir le plus sacré d’un enseignant bernois n’est plus de former le cœur et l’esprit, le caractère et la volonté de ses élèves ; son devoir le plus sacré est de contribuer à ce que son canton d’origine obtienne un classement honorable à l’examen de recrutement [...] ». (traduction libre)
Évolution
La guerre survenant en 1914, et avec elle la mobilisation, il faut accélérer la procédure de sélection et donc supprimer les examens pédagogiques et sportifs. En 1941, l’examen pédagogique est réintroduit sous une forme très différente, s’apparentant moins à un examen de connaissances que qu’à une discussion de groupe sur des sujets d’éducation civique.
Au début des années 1970, l’examen pédagogique des recrues devient un instrument de recherche empirique en sciences sociales. Les jeunes hommes répondent à des questions sur leur façon de communiquer, les sports et les loisirs, ou la qualité de vie régionale, formant ainsi un groupe représentatif de la jeunesse masculine pour les instituts universitaires. Jusqu’en 1994, ces résultats donnent lieu à de nombreuses publications scientifiques.
Lectures recommandées
Sources
- Livret de service de Fridolin Zimmermann, 1883-1918 (Cote BiG DU 2861 et en ligne)
- Dienstbüchlein von General Henri Guisan : Faksimile des Dienstbüchleins von General Guisan. (2011). FD-BiG. Remarque : seule la note en arithmétique a été inscrite.
- Kälin, Eduard. Der Schweizer Rekrut: zum Gebrauch für Fortbildungsschulen und zur Vorbereitung für die Rekrutenprüfung. Orell Füssli. 1907 (8e édition) & 1910 (9e édition)
- Examen pédagogique des recrues en ... / publié par le Bureau de statistique du Département fédéral de l’intérieur. 1887-1914
- Examen pédagogique subi lors du recrutement pour l’année ... 1877-1885
- Pestalozzianum. Stiftung für die Öffentlichkeit der Bildung: Examens pédagogiques des recrues (1875-1914) du canton de Zurich pour les périodes 1881–1885; 1891–1895; 1901–1905; 1911–1914
- Rekrutenprüfungen: pädagogische Prüfungen für Rekruten. 1881 – 1914. Bibliothek am Guisanplatz, en ligne et sur papier.
Autres ouvrages
- Andermatt, Rico. Einflussfaktoren auf die schulische Leistung im 19. Jahrhundert. Eine Untersuchung der pädagogischen Rekrutenprüfungen des Kantons Basel-Landschaft von 1875 bis 1904. Travail de master de l’Université de Berne, 2013
- Brunner, H. Rekrutenprüfungen: die Geschichte der pädagogischen Rekrutenprüfungen. Bündner Schulblatt vol. 2, no3, 1943
- Crotti, Claudia; Kellerhals, Katharina. «Mögen sich die Rekrutenprüfungen als kräftiger Hebel für Fortschritt im Schulwesen erweisen!» PISA im 19. Jahrhundert: Die schweizerischen Rekrutenprüfungen -Absichten und Auswirkungen, Revue suisse des sciences de l’éducation, vol. 29, no 1, 2007, pp. 47-64. (PDF)
- Miller, Damian; Weber, Hans. Schulevaluation ist keine Erfindung unserer Tage, Rund um die Schule. Schulblatt Thurgau, 2 avril 2014
- Dictionnaire historique de la Suisse (DHS): Alphabétisation (hls-dhs-dss.ch)
- Dictionnaire historique de la Suisse (DHS): Société suisse d’utilité publique (SSUP) (hls-dhs-dss.ch)
- Dictionnaire historique de la Suisse (DHS): Instruction publique (hls-dhs-dss.ch)